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« Nul ennemi comme un frère », de Frédéric Paulin : une introspection pour le Liban

« Nul ennemi comme un frère », de Frédéric Paulin, Agullo, « Noir », 472 p., 23,50 €, numérique 14 €.
Tout est parti de quelques images, enfouies dans la mémoire enfantine. D’abord celles d’une main sortant des décombres du Drakkar, immeuble de Beyrouth détruit par une bombe, en 1983, quand y séjournaient des parachutistes français (cinquante-huit d’entre eux y sont morts). Celles, ensuite, d’une ville détruite par des années de guerre. Celles, enfin, des otages français retenus au Liban par des groupes armés, notamment islamistes. Au mitan des années 1980, les journaux d’Antenne 2 (ancêtre de France 2) commençaient par la litanie de leurs noms et de la durée de leur détention.
« Le Drakkar, cela m’a traumatisé. A la télévision, on entendait les gémissements, les soldats qui pleuraient. J’ai filé dans ma chambre », raconte au « Monde des livres » Frédéric Paulin, solide gaillard glabre de 52 ans. C’est le point de départ de Nul ennemi comme un frère, son nouveau roman : comprendre la violente guerre civile qui a déchiré le Liban entre 1975 et 1990.
Ce n’est pas allé de soi. Au départ, l’auteur veut écrire un livre sur les otages français. Puis il commence le travail de contextualisation. Et se rend compte que son histoire est plus large. « Il avait des morceaux, des bouts de livres, explique l’éditeur Sébastien Wespiser, qui a fait de l’écrivain le premier auteur français de sa maison, Agullo. Il y en avait un sur les massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila, un autre sur les otages… Mais pas de début ni de fin. »
Frédéric Paulin a conçu le livre comme le premier d’une trilogie qui courra de 1975 à 1990, les bornes officielles du conflit. Comme un écho à celle qui l’a rendu célèbre et lui a valu le Grand Prix de littérature policière, en 2020, consacrée à la guerre civile algérienne des années 1990 et à l’arrivée du terrorisme djihadiste sur le sol français (La guerre est une ruse, Prémices de la chute et La Fabrique de la terreur, Agullo, 2018, 2019 et 2020).
Pour raconter la guerre du Liban, l’auteur, installé à Rennes, a vu les choses en grand : plus de deux millions de signes ont été ­livrés à sa maison d’édition. « Frédéric travaille toujours en deux moments : il écrit puis il réclame de l’editing, donc des coupes, une réorganisation. Il n’en tire pas du tout ombrage », explique Sébastien Wespiser. Les trois tomes (le deuxième paraîtra en mars 2025, le troisième à l’automne de la même année) devraient dépasser le millier de pages.
Pour coller au plus près des faits, Paulin effectue un énorme travail documentaire. « J’ai un doctorat en sciences politiques, je connais le travail de recherche », explique-t-il, souriant. Il a aimé « dérouler la pelote », s’imprégner de la culture du pays à coups de films et de livres d’auteurs libanais. En revanche, il ne s’est pas rendu dans le pays. Selon lui, cela ne l’aurait nullement aidé dans la description des lieux, tout ayant été détruit. Il a préféré éplucher les photos d’époque.
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